
La Province de Québec naît officiellement le 7 octobre 1763 par la Proclamation royale britannique, succédant à l'ancien Canada français après la conquête britannique et le traité de Paris. Cette nouvelle entité coloniale représente un défi administratif sans précédent pour l'Empire britannique.
Le territoire de la nouvelle province se limite essentiellement à la vallée du Saint-Laurent, s'étendant de l'île d'Anticosti jusqu'aux environs du lac Ontario. Cette délimitation restreinte exclut délibérément les vastes régions des Grands Lacs et de l'Ohio, désormais classées comme Territoire indien. La population totale compte environ 70 000 habitants, dont près de 65 000 Canadiens français catholiques et seulement quelques centaines de nouveaux arrivants britanniques, principalement des marchands et militaires concentrés à Québec et Montréal.
La Proclamation royale impose un cadre juridique britannique : lois anglaises, serment du Test excluant les catholiques des fonctions publiques, et promotion du protestantisme. Ces dispositions visent théoriquement à angliciser et protestantiser la province, tout en encourageant l'immigration britannique. Cependant, cette politique se révèle rapidement inapplicable face à la réalité démographique écrasante de la majorité francophone catholique.
Le gouverneur James Murray, premier gouverneur britannique de la province, fait face à une situation paradoxale. Il doit administrer une population dont il ne parle pas la langue, dont il ne comprend pas les coutumes, et qui maintient farouchement ses institutions traditionnelles malgré les restrictions officielles. L'Église catholique continue d'exercer une influence considérable, le système seigneurial persiste, et la langue française demeure omniprésente dans tous les aspects de la vie quotidienne.
Cette situation instable ne peut perdurer. L'incapacité d'attirer des colons britanniques en nombre suffisant et la nécessité pragmatique de gouverner efficacement cette population française obligeront Londres à reconsidérer sa politique, menant éventuellement à l'Acte de Québec de 1774 qui reconnaîtra officiellement les particularités canadiennes-françaises.