
L'Acte de Québec, adopté par le Parlement britannique le 22 juin 1774, transforme radicalement le statut et les frontières de la Province de Québec, représentant un tournant majeur dans la politique coloniale britannique en Amérique du Nord.
Cette loi révolutionnaire reconnaît officiellement les droits et particularités de la population canadienne-française. Elle rétablit le droit civil français pour les affaires civiles et les relations de propriété, tout en maintenant le droit criminel anglais. L'Acte abolit le serment du Test qui excluait les catholiques des fonctions publiques et garantit le libre exercice de la religion catholique, permettant au clergé de percevoir la dîme. Le système seigneurial est officiellement reconnu et protégé. Ces concessions pragmatiques reconnaissent la réalité démographique : environ 80 000 Canadiens français face à quelques milliers de britanniques seulement.
L'Acte de Québec redessine spectaculairement les frontières de la province, les étendant vers le sud jusqu'à la rivière Ohio et vers l'ouest jusqu'au Mississippi, englobant ainsi les territoires des Grands Lacs et de la vallée de l'Ohio. Ce territoire immense, vingt fois plus vaste que les limites de 1763, vise à mieux contrôler le commerce des fourrures et à maintenir les alliances avec les nations autochtones de ces régions.
L'administration demeure autoritaire, sans assemblée élue. Un Conseil législatif nommé par le gouverneur, composé de notables britanniques et canadiens-français, conseille l'exécutif. Cette structure vise à s'assurer la loyauté des élites canadiennes-françaises, particulièrement du clergé et de la noblesse seigneuriale.
Cette politique conciliatrice enrage les Treize Colonies. Elles y voient une trahison des principes britanniques et protestants, ainsi qu'un blocage de leur expansion territoriale vers l'ouest. L'Acte de Québec devient ainsi l'une des "lois intolérables" qui précipitent la Révolution américaine. Pour les Canadiens français, il représente une garantie de survie culturelle qui influencera profondément leur relation avec la Couronne britannique durant les décennies suivantes.